Salah Guediche a sa ville natale dans le cœur. Monastir et l’USM sont sa raison de vivre comme il nous le dit dans cet entretien : «Lorsque j’entraîne loin de Monastir, je profite de mon jour de congé pour faire le tour de la cité du Ribat et faire “le plein” de l’air de la corniche, de la falaise… C’est comme si je découvrais pour la première fois les charmes d’une séduisante jeune fille».
Guediche reste aussi un des rares à avoir joué au sein d’un club de L1 à deux postes différents : gardien de but et latéral droit. Retour sur une carrière atypique de onze bonnes saisons de bons et loyaux services.
Salah Guediche, portier à l’origine, on vous retrouve brusquement un jour latéral droit. Comment cela s’est-il passé ?
En sélection 1971, Ameur Hizem m’a convoqué en qualité de gardien aux côtés d’autres portiers en vogue, Kamel Karia (COT et EST), Mokhtar Ben Hmida (SG)… Idem en sélection universitaire, du temps des Youssef Zouaoui et Othmane Jenayah. Mais un jour, notre latéral droit titulaire à l’Union Sportive Monastirienne s’est absenté. J’ai demandé à notre entraîneur, le Yougoslave Miodrag Djorgevic (1969-1971), de me titulariser à sa place. Tout étonné qu’il était, il ne pouvait pas imaginer que je puisse réussir à ce poste inédit pour moi. On jouait contre le Club Sportif des Cheminots du redoutable Ridha Haddad. On a gagné ce jour-là, et j’ai tiré mon épingle du jeu. Conséquence: j’allais m’installer à ce poste de défenseur droit durant cinq bonnes années. Une fois Tabka parti pour l’Etoile Sportive du Sahel, j’ai réintégré mon poste de prédilection, celui de gardien de but.
Quel souvenir gardez-vous de votre première rencontre seniors ?
Contre l’EST à El Menzah. Tabka avait déjà encaissé trois buts. Pour le «protéger», notre entraîneur Djorgevic me fait entrer après la pause à sa place. Au match suivant, Tabka ne nous rejoint pas à Djerissa. Une aubaine pour moi. On gagne (4-1). Malheureusement, alors que je pensais être confirmé, je dois abandonner mon poste de titulaire face au CS Cheminots. C’est alors que je demande à jouer latéral droit. Vous connaissez la suite.
Qui vous a fait signer à l’USM?
Mon maître de sport, Salah Gdouda, un ancien joueur de l’USM. Au départ, je n’étais pas gardien. C’est lui qui m’a fait jouer dans la cage.
A part Gdouda, quels furent vos autres entraîneurs ?
Ahmed Chekir, Ameur Hizem, Mustapha Jouili, Hamadi Henia, Kamel Benzarti, Miodrag Djorgevic, Faouzi Benzarti.
Quelle a été la meilleure rencontre que vous avez jouée ?
Le 24 mai 1981, contre l’ESS, en demi-finale de la coupe de Tunisie. Nous avons perdu (1-0) après prolongations sur un tir croisé de Jamel Garna. Mais ce jour-là, j’ai arrêté cinq ou six buts tout faits. Trois fois, Samir Bakaou s’était présenté seul devant moi. A chaque fois, j’ai remporté le duel. Notre entraîneur Faouzi Benzarti a fort bien préparé ce match. Cette année-là, l’ESS a remporté la coupe en disposant du ST en finale (3-1).
Et votre meilleur souvenir ?
Notre victoire en finale de coupe de Tunisie Espoirs 1986-87, en lever de rideau de la finale seniors CAB-ASM (1-0). J’étais entraîneur de l’USM, et nous avons dominé le Club Sportif Hilalien (4-1). En fait, le président Habib Bourguiba a toujours rêvé de décerner une fois dans sa vie une coupe de Tunisie à l’USM, le club de sa ville natale. Une vraie coupe, et qui ne soit pas celle, symbolique du «3-Août» (à l’occasion de son anniversaire fêté chaque année en grandes pompes). Eh bien, nous lui avons donné ce plaisir à l’occasion de la dernière finale à laquelle il assistait avant sa destitution.
Vos parents vous ont-ils encouragé à pratiquer le foot ?
Oui, pour eux, le sport était un moyen de promotion sociale. Avec mon père Khelifa, pêcheur, et ma mère Habiba, je n’ai jamais eu de problèmes de ce côté-là. Nous étions onze dans la famille. Il arrivait à mon père de venir suivre quelques matches où je jouais.
Combien de générations de joueurs avez-vous côtoyé ?
Deux. La première se compose de Moncef Tabka, Nouri Hlila, Ridha Bchir, Ghedira, Abdelkader Bouzgarrou, Mustapha Belhassen, Ridha Jaziri… Dans la seconde, on trouve Bouraoui Jammali, Hamadi Trimèche, Khelifa Boualloucha, Ghandri, Kallala, Zrafi… Avec Mahfoudh Benzarti, «El Moujahid», j’ai livré un seul match. Tabka était blessé, et on jouait face au CSC. Nous avons perdu (2-1), j’ai pris un but-gag. Après le match, je n’ai pas arrêté de pleurer. Benzarti m’a consolé.
Quelle était votre idole ?
Attouga. Il était encore plus fort que Tabka. Pourtant, on nous disait que Ayachi était le meilleur gardien tunisien de tous les temps. Kanoun, aussi. Parmi les keepers que j’ai côtoyés, je dois admettre que Attouga reste le numéro un.
A votre avis, quels sont les meilleurs joueurs de l’histoire de l’USM ?
Mahfoudh Benzarti et Hedi Merchaoui qui a épousé une carrière professionnelle en France.
Et du football tunisien ?
Beaucoup disent que c’est Noureddine Diwa. Je ne l’ai pas vu jouer. Parmi ceux que j’ai connus de près, c’est sans doute Abdelmajid Ben Mrad que j’ai connu en sélection 1971.
Comment s’est passée votre reconversion d’entraîneur ?
A peine les crampons raccrochés, notre dirigeant Hedi Benzarti me dit qu’il va me lancer comme assistant de Dieter Schulte, le technicien allemand qui a assisté le célèbre Dieter Cramer. J’étais parti à Macolin, en Suisse, suivre un stage de formation : licence C en 1985, et B en 1986 avec les Kamel Chebli, Ali Kaâbi… En 1983-84, j’ai été adjoint de Radojica Radojicic. En 1989-90, j’ai relevé, à l’USM, Dominique Bathenay.
Qu’avez-vous retenu de votre carrière technique ?
J’ai longtemps assuré les fonctions de directeur technique des jeunes au sein de mon club de toujours, l’Union Sportive Monastirienne. Mon long parcours avec les catégories des jeunes m’a ouvert les yeux sur les grosses difficultés de communication rencontrées par les jeunes entraîneurs qui viennent de sortir des Instituts de sport. Il ne suffit pas d’étudier le sport et l’éducation physique pour réussir. Il faut également avoir mené une carrière de joueur, au moins honnête. En effet, rien ne remplace les sensations de joueur.
Des regrets pour n’avoir pas fait carrière en sélection ?
Pas vraiment. Mes convocations en sélection «B» suffisent à mon bonheur. Pourtant, j’aurais pu avoir une chance au Mondial argentin. Il y a une dizaine d’années, de passage à Monastir, Abdelmajid Chetali a pris un café avec moi. Il m’a confié qu’il a pensé à moi pour «neutraliser» Attouga avant le départ pour l’Argentine. Durant cette saison-là, j’ai en effet arrêté trois penalties tirés par Ali Kaâbi, Hamadi Agrebi et Tarek Dhiab. Mais le Bureau fédéral s’est opposé à ma convocation parce que j’étais considéré comme un trouble-fêtes, un gardien indiscipliné et «à problèmes», surtout avec les arbitres.
Que représente pour vous la ville de Monastir ?
Les poumons par lesquels je respire. Quand j’entraîne loin de Monastir, je profite de mon jour de congé pour faire le tour de ma ville natale à bord de ma voiture et faire le «plein» de l’air de la corniche, du Ribat, de la falaise… C’est comme si je découvrais pour la première fois les charmes d’une séduisante jeune fille.
Parlez-nous de votre famille…
J’ai épousé en 1977 Anne. Nous avons trois enfants : Khelifa 41 ans, propriétaire de restaurants à Lyon, en France, Slah, 39 ans, directeur d’exploitation d’une chaine de restauration à Paris, et Alyssa, 36 ans, audit comptable à Dubaï.
Enfin, si vous n’étiez pas dans le football, dans quel autre domaine auriez-vous exercé ?
Dans le journalisme. Je dois reconnaître avoir mordu à l’hameçon quand Radio Ribat FM m’avait sollicité en tant que consultant. Cette expérience vous oblige à être à la page, au fait de tout ce qui se passe, d’approfondir votre réflexion et le regard que vous portez sur l’actualité, et de vous documenter.